PROJET DE LOI FONCTION PUBLIQUE Transformer et simplifier le cadre de gestion des ressources humaines pour une action publique plus efficace

« Donner de nouvelle marges de manoeuvre aux encadrants dans le recrutement de leurs collaborateurs »

Alors que le principe posé par le Statut Général, stipulant qu’un emploi permanent doit être pourvu par un fonctionnaire, est déjà contourné avec 1,5 million de contractuels dans la Fonction publique, le projet de loi prévoit d’étendre de manière considérable le recours au contrat.

Pour justifier l’emploi massif de non-titulaires, les arguments des promoteurs du projet de loi sont d’une pauvreté affligeante : « liberté des managers », « fluidité », « souplesse » … Bref, des formules toutes faites ne reposant sur aucun fait étayé et totalement démagogiques.

Il s’agit en fait de donner de nouvelles marges de manoeuvre aux managers locaux en étendant la possibilité de recourir à des recrutements sous contrat, encore plus précaire tel le « contrat de projet ».

L’article 5 : Ouverture aux contractuels des postes de direction

Déjà introduite par le gouvernement dans le projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, l’article 5 élargit encore la possibilité hallucinante de nommer des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire sur des emplois de direction de la Fonctions publique.

Seront ainsi concernés les emplois :
– de directeurs des établissements et les emplois supérieurs hospitaliers ;
– de direction de l’État et de ses établissements publics ;
– de directeurs généraux et adjoints des services des régions, des départements, des communes et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 40 000 habitants (80 000 précédemment).

La liste de ces emplois et les modalités de sélection et d’emploi seront précisées par décret.

L’article 6 : Le contrat de « projet »

Le gouvernement justifie la création de ce nouveau contrat à durée déterminée afin de permettre la mobilisation de profils divers pour la conduite de projets ou de missions spécifiques.

Ce CDD, ouvert à des contractuels, des salariés de droit privé et des fonctionnaires, n’ouvre droit ni à la CDIsation, ni à la titularisation.

Il peut être conclu pour une durée maximale de six ans. Il peut être rompu si le projet ne peut se réaliser, ou arrive à son terme, ou se termine de manière anticipée.

Suite au CCFP du 15 mars, le gouvernement devrait proposer le versement d’une indemnité en cas de rupture anticipée du contrat et que la durée minimale ne puisse être inférieure à un an.

En tout état de cause, ces aménagements ne rendent pas ce type de contrat plus acceptable. D’une part, les projets dont il est question ne sauraient être regardés comme isolés les uns des autres et constituent bien des missions permanentes et, d’autre part, ces contrats seront constitutifs d’une précarité sans équivalent.

L’article 7 : Recrutement de contractuels sur des emplois de fonctionnaires

Alors que le statut ouvre déjà plusieurs possibilités de recrutement de contractuels, lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes, pour des emplois du niveau de la catégorie A, pour certains postes à l’étranger, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, le projet de loi prévoit d’élargir encore ces dérogations.

Dans la FPE, le recrutement des contractuels sera désormais possible sur des emplois de toute catégorie hiérarchique (à l’exception des emplois pourvus par des personnels de la recherche), lorsqu’il s’agit de fonctions nécessitant des compétences techniques spécialisées ou nouvelles, lorsque l’autorité de recrutement n’est pas en mesure de pourvoir l’emploi par un fonctionnaire présentant l’expertise ou l’expérience professionnelle adaptée aux missions à accomplir et enfin lorsque les fonctions ne nécessitent pas une formation statutaire obligatoire à l’entrée dans le corps et préalable à la titularisation de l’agent. Ces contrats pourront être conclus pour une durée indéterminée.

Dans la FPT, le recrutement de contractuels de catégorie B sur des emplois permanents sera possible.

L’article 8 : Recours au contrat sur emploi permanent à temps incomplet dans la FPT

Actuellement, il est possible de recruter des contractuels sur des emplois permanents lorsqu’il n’existe pas de cadre d’emplois de fonctionnaire correspondant à la fonction demandée (très peu en réalité), pour les emplois de catégorie A lorsqu’un fonctionnaire (ou lauréat du concours) n’a pu être recruté et pour le secrétariat de mairie dans les communes de moins de 1 000 habitants et pour tous les emplois à temps non complet lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50 %.

Ce dispositif élargit la possibilité de recruter sur des CDD à temps incomplet inférieur à 50 % pour tous les emplois et toutes les collectivités ! A la précarité statutaire, le gouvernement ajoute la précarité financière.

➔ Pour la CGT le recours accru à la contractualisation, la création du contrat de projet, c’est la porte ouverte à la généralisation de la précarité « statutaire » sans garanties collectives ni déroulement de carrière, c’est la remise en cause de la neutralité de l’agent public dans l’exercice de ses missions.

Rappelons que le fonctionnaire a l’obligation, par exemple, de s’opposer à un ordre illégal. Ce sont ces devoirs impératifs qui justifient les garanties accordées : être titulaire de son grade et avoir les principales dispositions de sa carrière régis de manière collective par des lois et décrets.

Même avec ces protections, les exemples sont malheureusement nombreux des pressions de toute sorte qui peuvent être exercées sur le fonctionnaire qui dénonce les dérives de sa hiérarchie. Dès lors, comment pourrait-on croire qu’un agent, dont les éléments principaux de son contrat de travail (voire son contrat lui-même) dépendent du supérieur hiérarchique lui demandant d’obtempérer à une consigne illégale, prendra les risques démesurés de s’y opposer ?

Pour la CGT, l’impartialité de l’agent public ne souffre d’aucun atermoiement. Au contraire, elle doit être renforcée par tous les moyens possibles. Pour garantir et obtenir l’égalité d’accès aux emplois publics, l’arrêt de toutes les discriminations et plus particulièrement celles faites aux femmes, la résorption de la précarité et des garanties pour l’usager d’un service public neutre et exemplaire, la CGT revendique :

– Des recrutements de fonctionnaires et un vaste plan de titularisation ;

– Des dispositions légales contraignantes empêchant le recours abusif au non-titulariat ;

– Des mesures pour combattre la précarité et la suppression du recours à l’intérim (FPH).

L’article 9 : Mutation et affectation des fonctionnaires de l’État

Cet article supprime la consultation préalable de la CAP sur les décisions individuelles relatives aux mutations. L’autorité compétente procède aux mutations en tenant compte des besoins du service et des priorités. Elle édicte, dans le respect des priorités définies à l’article 60 modifié de la loi 84-16, des lignes directrices fixant les orientations générales de la politique de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours après avis du Comité social d’administration (cf. article 2).

Le texte prévoit aussi qu’elle puisse définir des durées minimales et maximales d’occupation de certains emplois (par un décret en Conseil d’État).

Dans certaines administrations, les mutations peuvent être prononcées dans le cadre de tableaux périodiques avec la possibilité de procéder à un classement préalable des demandes à l’aide d’un barème rendu public.

➔ Pour la CGT, la suppression de l’avis des CAP ne fera que restreindre le droit à mutation, laissant le libre arbitre aux employeurs sans contrôle des représentants syndicaux sur le respect des règles. Et ce n’est pas un hasard si cet article est dans le chapitre « donner de nouvelles marges de manoeuvre aux encadrants dans le recrutement ».

Sur un emploi vacant il sera possible de recruter un contractuel au lieu de muter un fonctionnaire. C’est la porte ouverte au clientélisme, c’est la fin de règles de gestion nationales clairement établies qui s’appliquent à tous et toutes de façon identique.

Cette mesure est à mettre en lien avec tous les articles pour favoriser la mobilité contrainte (chap. IV) dans le cadre des restructurations et suppressions de postes.

« Renforcer la reconnaissance de l’engagement et de la performance professionnels »

L’article 10 : Généralisation de l’évaluation individuelle

Le projet de loi prévoit la généralisation de l’évaluation individuelle en lieu et place de la notation. Dans la FPH, la suppression de la notation aura des conséquences immédiates sur l’attribution de la prime de service, si elle est maintenue.
Dans les textes, toute référence à la notation sera remplacée par « l’appréciation de la valeur professionnelle » qui se fonde sur une évaluation individuelle lors de l’entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. Celle-ci donne lieu à un compte-rendu. À la demande de l’agent, la CAP peut demander la révision de ce compte-rendu.

L’article 11 : Rémunération individualisée pour les contractuels et intéressement pour les personnels de la FPH

Le projet de loi prévoit d’élargir la rémunération individualisée aux contractuels des trois versants. Leur rémunération sera fixée par l’autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de leur expérience. Elle pourra aussi tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service.
Il prévoit également d’instaurer un intéressement collectif, lié à la qualité du service rendu, aux agents titulaires et contractuels de la FPH, dans des conditions fixées par décret.

L’article 12 : « Mieux reconnaître les mérites individuels dans l’avancement et la promotion au choix »

Le projet de loi impose des « lignes directrices de gestion » établies par l’autorité, après avis des comités sociaux (cf. art. 2), qui fixent les orientations générales et les grandes priorités en matière de promotion et de valorisation des parcours. Les lignes directrices précisent les critères d’appréciation des mérites, expériences et acquis professionnels des agents éligibles à une mesure d’avancement ou de promotion.

Cela signifie que si une direction, une collectivité ou un établissement public décide d’une ligne budgétaire à zéro €, ce sera zéro promotion !

C’est également cet article 12 qui retire les compétences des CAP en matière d’avis sur les promotions. Ce faisant, c’est la porte grande ouverte à toutes les pratiques discriminatoires.

Soyons clairs : les articles 3, 9 et 12 signifient la mise à mort des instances démocratiques que sont les CAP.

➔ La CGT est attachée au principe de reconnaissance de la réelle valeur professionnelle des agents qui doit s’opérer sur des critères lisibles et objectifs, et non dans un cadre arbitraire voire clientéliste.

Cela s’oppose au système actuel d’évaluation basé sur des critères subjectifs et au mérite déjà utilisés pour promouvoir le Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l’Expertise et de l’Engagement Professionnel (RIFSEEP).

La CGT condamne ce projet qui favorise la carrière et la rémunération dite « au mérite », pour les fonctionnaires et les contractuels, et qui ne fera qu’aggraver les inégalités salariales entre les femmes et les hommes !

Elle revendique :

– L’égalité d’accès à la promotion interne (intra et inter catégorielle) dès lors que l’agent remplit les conditions statutaires ;

– L’égalité de traitement à grade et échelon identique, qui passe par la revalorisation de la valeur du point d’indice ;

– L’abrogation du RIFSEEP et de toutes formes de rémunération « au mérite » ;

– L’amélioration de l’information des agents en matière de promotion et de disponibilité ;

– L’ouverture de négociations sur la revalorisation des métiers à prédominance féminine.

« Apporter des réponses graduées et harmonisées à des comportements fautifs »

L’article 13 : « Moderniser et harmoniser l’échelle des sanctions entre les trois versants »

Cette article prévoit, d’une part, pour la FPE et la FPH, la création d’une nouvelle sanction du 1er groupe, l’exclusion temporaire des fonctions de trois jours, qui serait comme le blâme inscrite dans le dossier du fonctionnaire et non soumise à l’examen des CAP. Il s’agit en somme de s’aligner sur la situation actuellement en vigueur dans la territoriale.
D’autre part, il harmonise les différentes sanctions s’agissant des durées d’exclusion et des modalités d’abaissement d’échelon et de rétrogradations.

La CGT n’est pas favorable à cette nouvelle sanction du 1er groupe qui ne fera qu’exacerber le pouvoir discrétionnaire des chefs de service.

Pour la CGT, il est indispensable dès lors qu’une sanction impacte la rémunération de l’agent, que celle-ci figure dans le 2ème groupe et qu’elle soit soumise à l’avis de la CAP.

La CGT est pour le maintien, dans l’art. 90 de la loi 84-53 de la FPT, de l’obligation de parité numérique entre représentants des collectivités territoriales et représentants syndicaux des Conseils de discipline, que le projet de loi supprime.

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