Sous le fallacieux prétexte de « rendre le dialogue social plus efficace et plus fluide » le gouvernement s’attaque à la démocratie sociale et aux instances représentatives des personnels qu’il juge redondantes, alors même que celles-ci viennent d’être renouvelées pour 4 ans. C’est nier l’attachement des personnels à ces instances qui participent de l’exercice de la citoyenneté sur le lieu de travail et de l’amélioration de leurs conditions de travail.
Pour la CGT, il est clair que le gouvernement, pour mettre en oeuvre ses réformes régressives, veut affaiblir le rôle et la place des syndicats dans la défense des intérêts des personnels, par la réduction des moyens, des prérogatives et du nombre de ces instances. Il lui faut museler les représentants du personnel, les éternels empêcheurs de « réformer » en paix !
Malgré l’opposition de tous les syndicats représentatifs des personnels de la Fonction publique, il reste droit dans ses bottes. Le projet de loi instaure la fusion des Comités techniques (CT) et des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans une instance unique « le Comité social » (à l’image de la création du Comité social économique – CSE – dans le privé) et vide les CAP de leur contenu.
L’article 1 : « Renforcer la gouvernance du dialogue social »
Le projet de loi prévoit de modifier les compétences du Conseil commun de la Fonction publique (CCFP) et des Conseils supérieurs des trois versants, CSFPE, CSFPT et CSFPH.
Actuellement le CCFP peut être saisi des projets de loi, d’ordonnance et de décret communs à au moins deux des trois versants de la Fonction publique, de l’État, territoriale ou hospitalière.
L’article 1 modifie l’article 9 ter de la loi de 1983 : le CCFP peut, sur saisine de son président, être consulté sur les projets de texte qui comportent une ou plusieurs dispositions relevant de la compétence de l’un des 5 Conseils supérieurs après accord du président du conseil concerné. Dans ce cas, l’avis rendu par le CCFP se substitue à celui du Conseil supérieur intéressé.
Le projet de loi prévoit aussi de modifier la composition du collège des employeurs territoriaux du CSFPT en l’élargissant aux présidents d’établissement public de coopération intercommunale. Cette disposition entrera en vigueur à compter du prochain renouvellement général de leurs assemblées délibérantes.
➔ Pour la CGT c’est une remise en cause des résultats des dernières élections professionnelles et de la représentativité qui est différente au CCFP et pour chaque Conseil supérieur des trois versants. C’est affaiblir le rôle de chacun des Conseils supérieurs.
L’article 2 : « Le Comité social »
Fusion des CT et des CHSCT :
Les CT et CHSCT sont supprimés et fusionnés dans une instance unique compétente pour l’ensemble des sujets intéressant le collectif de travail :
✓ le Comité social d’administration pour la FPE ;
✓ le Comité social territorial pour la FPT ;
✓ le Comité social d’établissement pour la FPH : le Code de la santé publique et le Code de l’action social sont modifiés et par conséquence les dispositions de l’article 10-1 de l’ordonnance n° 2017-1386 sont abrogées.
Le Comité social ajoute aux compétences actuelles des CT, celles des CHSCT relatives à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail, à l’organisation et aux conditions de travail et au respect des prescriptions légales y afférentes.
Le comité est réuni par son président à la suite de tout accident mettant en cause l’hygiène ou la sécurité ou ayant pu entraîner des conséquences graves.
Sous certaines conditions, une “formation spécialisée” dédiée à la santé, la sécurité et les conditions de travail (les questions de réorganisation de service sont traitées dans le comité social) peut être créée au sein de ces comités :
✓ elle est obligatoirement créée à partir d’un certain seuil fixé au niveau législatif pour la FPE et la FPH, et fixé à 300 agents pour la FPT, soit seulement 11 000 collectivités ;
✓ elle peut aussi être mise en place dans les administrations où existent des risques professionnels particuliers (sans condition d’effectif pour la FPT), ou lorsque l’implantation géographique de plusieurs services dans un immeuble le justifie ;
✓ elle est créée dans la FPT (sans condition d’effectif) dans chaque service départemental d’incendie et de secours par décision de l’organe délibérant.
Les membres titulaires de cette formation sont membres du comité social et les suppléants sont désignés par les organisations syndicales.
Rôle « stratégique » sur les politiques RH :
L’article 2 va encore plus loin puisqu’il affirme le rôle « stratégique » du Comité social sur les politiques de ressources humaines en matière de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois, des compétences et des parcours professionnels en ajoutant les questions de recrutement, de formation, de mobilité, de promotion, d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de handicap, liées au parcours professionnel.
C’est donc plus qu’une fusion CT/CHSCT puisque le Comité social absorbe certaines prérogatives actuelles des CAP (cf. article 3, 9 et 12) avec des « lignes directrices de gestion » déconcentrées mais sans réels moyens pour les assumer.
➔ Pour la CGT, la fusion CT/CHSCT par la création du « Comité social » aura pour conséquence d’affaiblir et de diluer dans une instance fourre-tout la réflexion, l’analyse et le travail à mener sur des questions très différentes et dont l’enjeu nécessite une approche et des moyens qui ne sauraient être édulcorés.
Le maintien de CT et de CHSCT, avec leur propre champ d’intervention sur des enjeux spécifiques clairement identifiés, est essentiel pour la concertation et apporter des réponses constructives.
Alors que les conditions de vie et de santé au travail des agents se dégradent par l’augmentation des charges de travail, les réorganisations permanentes, le manque de reconnaissance et la perte de sens, que les questions d’hygiène et de sécurité sont prégnantes, que des moyens en matière de lutte contre le harcèlement, les violences sexistes et sexuelles sont indispensables, la suppression des CHSCT constitue un recul inacceptable.
Supprimer le CHSCT, c’est supprimer ses prérogatives, son budget dédié et ses représentants formés et techniciens, et le rôle essentiel qu’il joue dans la protection, la santé et la sécurité des personnels !
Pour la CGT, afin qu’ils jouent pleinement leur rôle et mènent leur action de prévention auprès des agents, les compétences des CHSCT doivent être renforcées et des améliorations doivent être apportées au fonctionnement et prérogatives des CT.
Calendrier de mise en oeuvre :
Cette nouvelle architecture entrera en vigueur lors du prochain renouvellement des instances, soit en 2022.
Mais, attention ! À compter de la promulgation de la loi et des dispositions réglementaires d’application :
✓ les CT demeurent seuls compétents sur les projets de réorganisations de service ;
✓ les CT et les CHSCT peuvent être réunis conjointement pour l’examen des questions communes, l’avis rendu par cette formation conjointe se substitue aux avis des CT et CHSCT ;
✓ les CT (pour la FPE) sont compétents pour l’examen des lignes directrices en matière de mobilité, de promotion et de valorisations des parcours (cf. article 9).
L’article 3 : Rôle et compétence des CAP
Des CAP vidées de leur prérogatives :
Le projet de loi recentre les attributions des CAP en les vidant d’une très grande partie de leurs compétences et prérogatives et en bafouant d’un revers de main le rôle essentiel de défense des dossiers mené par les représentants du personnel.
Le gouvernement prétend réorganiser les CAP pour un meilleur accompagnement des situations individuelles complexes. Il n’en est rien ! Pour mettre en oeuvre le mérite individuel et la mobilité contrainte par les restructurations, les CAP sont un obstacle à la mise en oeuvre de ses réformes.
L’avis des CAP sera supprimé sur les questions liées aux mutations, aux mobilités, à l’avancement et à la promotion interne. Tout est donc lié pour le gouvernement !
Ne subsisteront donc que les CAP relatives à la situation individuelle (recours, révision du compte-rendu d’évaluation) et à la discipline (cf. art. 13).
Des CAP par catégorie :
Le projet de loi prévoit également pour la FPE, des CAP par catégorie hiérarchique A, B et C et non plus par corps (ou grade dans certaines administrations), à l’instar de ce qui existe dans les deux autres versants.
Dans la FPT et la FPE, lorsque l’insuffisance des effectifs le justifient, il peut être créée une CAP commune à plusieurs catégories hiérarchiques.
➔ Pour la CGT, les arguments évoqués sont éloquents : il faut « déconcentrer les décisions individuelles au plus près du terrain » et « doter les managers des leviers de ressources humaines nécessaires à leur action ».
La traduction est claire : à l’heure des restructurations brutales, des fermetures de services, des abandons de missions publiques, il faut donner toutes les libertés aux employeurs d’en faire à leur guise !
Nous estimons au contraire que nous avons besoin de CAP avec un rôle et des prérogatives renforcés dans les trois versants, pour le droit des agents à être informés et défendus tout au long de la carrière par des élu.e.s disposant des moyens nécessaires.
C’est une des conditions pour conforter les personnels dans une Fonction publique de carrière et dans leurs missions d’intérêt général.
Calendrier de mise en oeuvre :
Ces dispositions entrent en vigueur pour les décisions individuelles prises au titre de l’année 2021.
Mais attention ! Par dérogation elles s’appliquent dans un calendrier différencié comme suit :
✓ la généralisation de l’évaluation professionnelle en lieu et place de la notation (cf. art. 10 du projet de loi) entre en vigueur au 1/1/2021 pour l’entretien professionnel conduit au titre de 2020 ;
✓ Dans les 3 versants, les décision individuelles et collectives relatives aux mutations et aux mobilités (précisées dans l’art. 9 du projet de loi pour la FPE) ne relèvent plus des CAP à compter du 1/1/2020 ;
✓ Dans la FPE, la composition de CAP par catégorie entre en vigueur au prochain renouvellement des instances en 2022 ;
✓ Dans la FPT, la mise en place de CAP communes à plusieurs catégories entre en vigueur au plus tard le 1/1/2021.
L’article 4 : Dialogue social et dispositions législatives par voie d’ordonnance
L’article 4 modifié (par le gouvernement au CCFP du 15/3) prévoit, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, une habilitation pour le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi, afin :
– De favoriser, aux niveaux national et local, la conclusion d’accords négociés dans la FP en définissant : les autorités compétentes pour négocier avec les organisations syndicales (article 8-II de la loi de 1983), les modalités d’articulation entre les différents niveaux de négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles des accords locaux peuvent être conclus en l’absence d’accords nationaux ;
– De déterminer la portée juridique des accords intervenant dans les domaines d’application des dispositions relatives aux agents publics mentionnés à l’article 2 de la loi de 1983 : en définissant les cas et les conditions dans lesquels les accords majoritaires disposent d’une portée ou d’effets juridiques, en précisant les modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords, leurs conditions de conclusion et de résiliation.
– De rendre obligatoire des négociations dans certains domaines.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
➔ Pour la CGT, le gouvernement prétend renforcer la place de la négociation, en remettant en cause les accords de Bercy, mais en procédant encore une fois par ordonnance.
À l’image de ce qu’il pratique dans ses pseudo-concertations, son objectif est bien de mieux contourner la démocratie sociale et la représentativité syndicale.
L’article 4-1 : Procédure de recrutement de contractuels sur emplois permanents
Cet article (nouveau suite au CCFP, il supprime l’art.14) complète l’article 32 de la loi de 1983 : il précise que le recrutement par la voie du contrat pour pourvoir des emplois permanents (à l’exclusion des emplois de direction) est prononcé à l’issue d’une procédure permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics dans les 3 versants.
Un décret précisera les modalités qui pourront être adaptées au regard du niveau hiérarchique, de la nature des fonctions ou de la taille de la collectivité ou de l’établissement dont relève l’emploi à pourvoir, ainsi que la durée du contrat.
➔ Pour la CGT, le principe de l’égalité d’accès aux emplois de la Fonction publique conserve toute sa pertinence et constitue un des éléments du socle républicain.
C’est pourquoi, la CGT demeure fondamentalement attachée au recrutement par concours, seul vecteur à même d’assurer l’égalité d’accès.
Cela ne veut évidemment pas dire qu’avec le concours, tout serait parfait.
La CGT a d’ailleurs des propositions pour, en particulier, réformer un certain nombre d’épreuves aujourd’hui potentiellement discriminantes.
Ceci posé, ce qui est certain, c’est que le contrat impose, par sa nature même, le recrutement au bon vouloir des employeurs, autorisant ainsi toutes les dérives.
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