1) Les atteintes inutiles ou disproportionnées à la vie privée toujours irrecevables
En premier lieu, on peut supposer que les preuves obtenues au moyen d’atteintes graves à la vie privée des
salariés, telles que des filatures ou des écoutes dissimulées, seront toujours jugées irrecevables en raison de leur
caractère disproportionné. (Cass. soc. 26 novembre 2002, n°00-42.401, Cass. crim. 24 janvier 1995, n°94-81.207)
2) Un contrôle de proportionnalité particulier pour les dispositifs de surveillance de l’employeur
En deuxième lieu, concernant les dispositifs de surveillance illicite des salariés, la jurisprudence a précisé le raisonnement devant être suivi par le juge pour apprécier la recevabilité des preuves produites par ce moyen (Cass. soc. 8 mars 2023, n°21-17.802). Ce dernier doit s’interroger :- l’employeur a-t-il un motif légitime d’exercer ce contrôle ? existait-il des raisons concrètes justifiant une surveillance et l’ampleur de celle-ci ?- pour établir du fait litigieux, l’employeur pouvait-il utiliser des moyens plus respectueux de la vie privée du salarié ? l’atteinte à la vie personnelle du salarié est-elle proportionnée au but poursuivi ?
Ainsi, les enregistrements d’une caméra installée sans autorisation dans un magasin ont récemment été jugés irrecevables alors que l’employeur disposait d’un audit sur les faits reprochés au salarié, mentionné dans la lettre de licenciement mais non produit aux débats. La Cour en déduit que les enregistrements vidéos illicites n’étaient pas indispensables. (Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802)
3) Le droit à la preuve n’étend pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur à des faits de la vie privée
Par un arrêt rendu le même jour (RG n°21-11.330), la Cour a rappelé que le pouvoir disciplinaire de l’employeur ne s’étend pas à des faits de la vie privée du salarié. Dans cette affaire, la Cour devait se prononcer sur la recevabilité en justice d’une conversation privée de deux salariés sur un réseau social laissé par inadvertance
accessible sur un poste de travail de l’entreprise. Cette conversation sous-entendait que la promotion d’un collègue était liée à son orientation sexuelle et à celle de son supérieur hiérarchique. La Cour rappelle qu’ « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ». Or, juge la Cour, « une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat du travail, il en résulte que le licenciement, prononcé pour motif
disciplinaire, est insusceptible d’être justifié. »
4) L’atteinte à la vie privée expose la responsabilité de son auteur
L’emploi d’un procédé déloyal et/ou illicite de preuve expose la responsabilité de son auteur. En effet, selon jurisprudence, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation. L’atteinte à l’intimité de la vie privée (qui ne concerne pas l’enregistrement d’une conversation d’ordre professionnel) est un délit réprimé par l’article 226-1 du code pénal. Enfin, les atteintes aux droits informatique et libertés peuvent être sanctionnées d’amendes amendes pouvant s’élever à 4% du chiffre d’affaires. Ainsi, la recevabilité d’une moyen de preuve déloyal ne rime donc pas avec irresponsabilité de celui qui l’emploi.