> SEGUR DE LA SANTÉ: Pourquoi nous n’avons pas signé ce protocole ?

Nos revendications ne sont pas toutes satisfaites, et certaines mesures sont même inquiétantes comme le nouveau système de prime, la remise en cause du temps de travail et du temps de repos.

Il y a quelques petites avancées qui n’ont été possibles que grâce à la mobilisation des personnels avec la CGT ces 2 dernières années et plus particulièrement après celles des 16 et 30 juin dernier.

La CGT, 1ère organisation syndicale dans la fonction publique hospitalière, au CHU de Nice et dans le département, a pesé de tout son poids pour faire évoluer le choix du ministère qui souhaitait imposer un traitement différent entre les soignants, les techniques, les administratifs et les ouvriers cherchant une fois de plus la division des personnels.

 Vous trouverez ci-dessous les principales mesures accompagnées de nos commentaires. Ce protocole n’est qu’un point de départ car de nombreuses réponses restent en suspens.

Dans ce tract, vous retrouverez les 20 propositions commentées du protocole.

Mesure 1 :

Création d’un complément de traitement indiciaire à hauteur de 49 points d’indice représentant 183 € nets par mois pour les agents titulaires et contractuels dont le versement interviendra à compter du 1erseptembre 2020 pour 24 points d’indice et avant la fin de l’année pour 25 points d’indice.

Cette augmentation concernera tous les agents comme le demandait la CGT sans différence entre les soignants et les autres. En revanche, notre revendication collective était de 300 € euros net/mois… Cette augmentation compense à peine la perte de pouvoir d’achat, car le point d’indice a perdu 10 % depuis 2010 et 21 % depuis 2000 !

Sont exclus de cette mesure les agents du secteur social et médico-social public, alors que le reste du protocole leur est applicable.

Mesure 2 :

Reconnaitre les spécificités des personnels soignants, médico-techniques et de la rééducation avec une révision et une revalorisation des grilles indiciaires qui devra, autant que possible, intervenir avant la fin du 1er trimestre 2021.

Ces dispositions font passer les aides-soignants en catégorie B avec le maintien de la pénibilité et le maintien de la prime spécifique de 10 %.

L’ensemble des corps infirmiers, infirmiers spécialisés, IPA et Cadres passeront dans la grille A type.

Les corps en extinction évolueront à la même proportion que comme les corps citées au-dessus.

Les corps médico-techniques dans les mêmes grilles et rééducateurs évolueront de la même manière

Malgré un affichage alléchant, le reclassement dans les nouvelles grilles ne se fera qu’à l’indice égal ou supérieur et des discussions seront à venir laissant encore plein d’inconnus sur le niveau de rémunération des différents corps. Le gain moyen sera d’une trentaine d’euros lors du reclassement et les carrières seront considérablement allongées, au moins 10 ans.

Mesure 3 :

Doubler les ratios promus-promouvables pour les années 2020 et 2021

C’est un petit coup de pouce transitoire qui sera apprécié par les quelques agents concernés car doubler des ratios très faibles reste faible, de plus cette mesure ne concerne que les soignants et quelques médico-techniques.

Mesure 4 :

Rendre plus simples et plus transparents les régimes indemnitaires.

Depuis des années les différents ministères rêvent d’installer une prime au mérite, ce Gouvernement n’y échappait pas. Les négociations ont permis de déconnecter le futur système indemnitaire de l’évaluation professionnelle et de l’auto-remplacement.

La prime de service qui était vouée à disparaitre dans un système plus global intégrant le mérite et l’évaluation est maintenue. Il sera discuté une nouvelle formule de calcul pour les agents sans en connaitre les indicateurs.

Des discussions sont à venir mais l’objectif des primes liées au mérite reste dans l’esprit… Elles ne sont toujours pas intégrées au salaire pour la retraite.

Mesure 5 :

Redéfinir les parcours de développement des compétences et mieux valoriser les acquis de l’expérience.

Ce sujet est assez classique et n’apporte pas de changement véritable, les agents auront toujours autant de difficultés à faire valoir leurs droits. L’accord obligera tous les établissements non adhérents à l’ANFH à y adhérer.

Mesure 6 :

Permettre l’acquisition d’unités de valeur tout au long de la carrière.

Ce sujet comporte un sujet risqué, celui de la validation de blocs de compétences qui ne font pas un métier ou un diplôme. Cela comporte le risque majeur de fragmentation de certains métiers qui ont à ce jour une approche globale.

Mesure 7 :

Lancer une mission sur la formation et la promotion professionnelle suivie d’un plan d’action.

Une mission c’est bien, mais pour le plan d’action à ce jour il n’est pas prévu de financement supplémentaire, ni de facilitation des départs en formation pour les professionnels avec par exemple le maintien de tous les éléments de rémunération lorsque l’on part en formation.

 

Mesure 8 :

Développer des projets pilotes sur l’organisation du travail et favoriser le développement de l’hospitalisation programmée.

Ce sujet est très ambigu car il porte l’idée que les agents autogèreront les plannings ! Nous devons gérer la pénurie des effectifs, chacun son métier.

Dans cette mesure, il est inadmissible de dire que les nouveaux modes d’hospitalisation sont pour améliorer les conditions de travail des agents, puiseque le but est avant tout de répondre à une attente économique.

Mesure 9: 

Améliorer les remplacements avec la mise en place de pools de remplaçants et systématiser le remplacement des absences de plus de 48 h.

C’est un sujet porté par la CGT depuis des décennies notamment l’intégration de ratio d’effectif dans les équipes pour palier aux remplacements de courte durée.

Au lieu de cela, ce sera le développement de systèmes de remplacement comme Whoog et l’organisation des remplacements en heures supplémentaires pour les agents !

Mesure 10: 

Majorer le montant des heures supplémentaires, permettre leur contractualisation et réduire le recours à l’intérim.

C’est l’intérim qu’il faut supprimer à l’hôpital. Dans la fonction publique il n’y a qu’à l’hôpital que l’intérim est possible.
La contractualisation d’heures sup c’est la fin des 35 heures. Les heures supplémentaires mieux rémunérées, c’est un dû aux agents, ni plus ni moins.

Mesure 11 : 

revaloriser la monétisation des jours placés sur CET.

C’est normal, bien que la CGT ne soit pas un afficionado du CET, les montants doivent être les mêmes dans les 3 versants de la Fonction Publique car depuis plusieurs années ceux de la FPH sont inférieurs à ceux des autres versants. Ce qui est inadmissible c’est que le montant des jours CET soient en dessous du salaire de certains agents !

Mesure 12 : 

Négocier la mise en place des modalités d’annualisation du temps de travail.

C’est la fin de tous les cycles de travail comme nous les connaissons aujourd’hui avec des périodes creuses et hautes sur une année. Un accord qui parle d’amélioration des conditions de travail et qui remet en cause toutes les organisations de travail est contradictoire.

Mesure 13 : 

Permettre sur la base du volontariat le recours au forfait-jour.

Cette mesure entraine souvent une augmentation du temps de travail de 4 à 5 heures pour un même salaire donc cela engendre du travail gratuit pour les salariés qui sont au forfait jour. Elle est heureusement soumise à l’accord du salarié, mais le volontariat reste une notion particulière à l’hôpital…

Mesure 14 : 

Permettre le passage à un repos quotidien de 11 h par accord.

Le passage à 11 h entre 2 postes n’est pas une amélioration des conditions de travail, c’est une mesure négative contre laquelle il faudra se battre car elle facilitera le passage de service en 12h de travail par jour !

Mesure 15 :

Couvrir les besoins en effectifs et résorber l’emploi précaire.

Cela pose aussi la question de l’auto-remplacement dans les chartes qui seront soumises à des accords locaux et au développement d’application comme Whoog.

En ce qui concerne l’emploi précaire, au lieu d’en faire des intentions, il faudrait décider d’un plan de titularisation de tous les agents sur des postes vacants.

Mesure 16 : 

Systématiser les réunions d’échanges professionnels.

C’est une demande des équipes et de la CGT pour recréer du débat professionnel et du collectif dans le travail.

Malheureusement quand ces réunions existent, elles sont souvent détournées au profit de projets de service ou d’établissement.

Mesure 17 :

Former au management tous les responsables d’équipe.

La question n’est pas de la formation mais du contenu de celle-ci et de son objectif. Ces dernières années les formations ont pour objectif d’intégrer des méthodes du privé ou le « New Management ».

Mesure 18 :

faire de l’amélioration de la qualité de vie au travail une priorité en termes de formation et d’organisation du travail.

Ce sont des sujets qui sont toujours très beaux sur le papier, il faut passer à la réalisation car à maintes reprises des plans d’amélioration ont été lancés nationalement comme dans nos établissements sans que nos conditions de travail ne s’améliorent réellement !

Mesure 19 :

 solliciter des appuis extérieurs au service, reconnus pour aider au règlement d’une situation bloquée.

C’est une mesure déjà en œuvre car les médiateurs hospitaliers sont déjà installés, notamment depuis début juin dans certaines régions ! C’est facile de proposer ce qui existe déjà !

Mesure 20 : 

Garantir les temps de transmission sur le temps de travail. Heureusement que nous n’avons pas attendu le protocole pour nous battre afin que le temps de transmission soit compté dans le temps de travail, c’est assez incroyable que ce soit une mesure du protocole alors que naturellement cela devrait être dans le temps de travail !

Le compte n’y est vraiment pas.

► NOTRE ANALYSE

Le contenu de l’accord, que la CGT n’a pas signé, se révèle être ce que le gouvernement voulait « ne pas changer de cap, mais changer de rythme ». La CGT le prédisait en qualifiant le Ségur de la Santé « d’imposture » : une manœuvre pour mettre fin à la mobilisation des personnels hospitaliers qui durait depuis des mois et profiter de la situation pour liquider nos garanties statutaires collectives, augmenter le temps de travail et accélérer la mise en œuvre de la réforme Macron/Buzyn « ma santé 2022 » et de la réforme de destruction de la Fonction publique.

L’épidémie a mis au grand jour la misère des hôpitaux publics et des EHPAD en personnels, équipements, médicaments. Le gouvernement porte l’entière responsabilité de cette situation dramatique. L’épidémie se propage à nouveau, et le ministre Véran poursuit l’imposture en courant les plateaux de télévision et les journaux pour faire croire que la situation des hôpitaux et EHPAD est résolue et que les revendications des personnels sont satisfaites puisqu’une « majorité » de syndicats a signé… Ce sont les exigences du gouvernement qui sont satisfaites

 

1.      La revendication nationale des 300 € est réduite à 183 €. Nous n’oublions pas que c’est en plein Ségur de la Santé que Véran a sorti le décret relatif à la prime COVID dont l’attribution a divisé le personnel hospitalier entre régions, établissements, services, catégories… L’augmentation de 183 € n’est pas une augmentation du salaire de base mais un complément de traitement indiciaire, devant compter dans le calcul du montant de la pension de retraite mais on ne sait pas de quelle façon car contrairement à ce que disent les signataires aucun texte ou décret ne le précise à ce jour !!!

 

2.      Des reclassements à venir (AS, IDE, paramédicaux…) on ne connait ni la date d’effet ni les conditions, nouveaux transferts de compétences ?  Ces mesures 1 et 2 ne s’appliquent pas aux personnels de mêmes grades des EHPAD, des collectivités territoriales par exemple. Les personnels des établissements sociaux et médicaux-sociaux de la FPH en sont également exclus. En revanche les mesures salariales 1 sont élargies aux cliniques et EHPAD privés lucratifs et financées à hauteur de 2 milliards dans le cadre du protocole ; le gouvernement protège les profits des patrons de ces établissements et renforce les conditions du rapprochement entre hôpitaux publics et établissements privés lucratifs, c’est-à-dire de destruction des hôpitaux publics.

 

3.      Recrutements et temps de travail : 7500 postes, peut-être budgétés en 2021 !!! Alors qu’il en faudrait au minimum 100 0000 maintenant. Cela représenterait 4 créations de postes par établissement. Les participants au Ségur, en particulier les signataires, n’ont pas manqué d’imagination pour se mettre d’accord sur « d’autres arrangements salariaux afin de combler les directions qui ont besoin d’avoir le personnel nécessaire au bon moment » comme les y invitait Véran avant le Ségur.

► Des accords locaux pourront allonger le temps de travail, mettre fin à la référence aux 35H hebdomadaires pour le calcul des droits et l’organisation des plannings.

► Des contrats individualisés pourront aller plus loin dans la flexibilité du temps de travail et instituer le renoncement aux garanties collectives statutaires. Ces dispositions sont applicables à tous les personnels de la FPH.

 

4.      Si l’accord dit qu’il ne sera pas touché aux modalités de calcul de la prime de service, il confirme les primes individuelles et de services prévus par la loi Santé Macron/Buzyn. Face au chantage à l’emploi, à la mutation, à la titularisation, aux primes au mérite…, qui peut tenir sans le garde-fou que constituent les règles statutaires collectives nationales, qui sont notre force et notre unité ? Qui peut tenir sans la présence de délégués syndicaux CGT attachés à la défense de ces droits conquis au fil des ans et que cet accord voudrait mettre à bas ?

► Réouverture des lits : il n’en est pas question, sinon en nombre très limité, à la demande en cas d’épidémie ou d’activité saisonnière… De qui se moque-t-on ? Les mesures annoncées par le ministre Véran le 22 juillet sur les autres points du Ségur, financement des hôpitaux, territoires, gouvernance, étaient déjà présentes dans la loi Macron/Buzyn. Elles contribuent à aligner et intriquer le fonctionnement des hôpitaux publics avec celui des établissements privés lucratifs et de la médecine libérale.

Le « Ségur de la Santé » donne un coup d’accélérateur à l’entreprise gouvernementale de destruction de l’hôpital public, du statut de fonctionnaire des personnels et de remise en cause du droit à la santé.

La CGT, ses délégués, seront comme toujours avec leurs collègues, pour agir et défendre les droits et garanties collectives de tous, l’hôpital public et le droit à la santé pour tous. Ce combat est plus que jamais à l’ordre du jour. Les organisations syndicales signataires devront prendre leurs responsabilités !

Fraternellement

Stéphane GAUBERTI
Secrétaire général
CGT du CHU de NICE

04.92.03.44.73

gauberti.s@chu-nice.fr

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